Poesis et ars historica au Moyen-Âge et à la Renaissance, en France et en Italie. Colloque CESR – Tours – 4-5 juin 2026

La SEMEN-L a le plaisir de transmettre cet appel à communication du CESR de Tours.

Argument

Nous nous proposons de mettre en regard la manière dont la poésie et l’histoire affirment leur autonomie respective au Moyen-Âge et à la Renaissance (jusqu’au XVIe siècle inclus), notamment quand elles dialoguent ou s’opposent. Les deux aires concernées sont la France et l’Italie. Après un premier colloque en France, à Tours, les 4 et 5 juin 2026, nous comptons organiser un deuxième colloque à Modène en 2027.

Les propositions de communication entreront pleinement dans le sujet lorsqu’elles se pencheront sur le domaine italien et le domaine français à la fois, ou quand elles articuleront la théorie de la poésie et la théorie de l’histoire. Mais elles peuvent aussi ne porter que sur une seule aire (France ou Italie), et ne concerner que la littérature, ou que l’histoire. Dans ce dernier cas, cependant, il importe que l’aspect théorique soit central : l’étude d’un corpus littéraire doit s’accompagner d’une réflexion sur l’ars poetica (en s’appuyant si possible sur les déclarations explicites des auteurs), tout comme l’analyse d’un corpus historiographique devra s’accompagner d’une réflexion sur l’ars historica.

Les textes en latin ou en grec pourront être étudiés aussi bien que ceux en langue vernaculaire, mais les citations en latin ou en grec devront être traduites. Les communications se feront en français, à l’exception de quelques-unes, qui pourraient se faire en italien. En effet, les communications en italien pourront être réservées au colloque de 2027.

Propositions (modalités)

Les propositions de communications (400 mots maximum), accompagnées d’une brève présentation de l’auteur (300 mots maximum) et d’une liste de publications et de communications (20 références maximum), doivent être envoyées au plus tard le samedi 11 octobre 2025.

Elles seront adressées à :

-Etienne Boillet, université de Poitiers, FoReLLIS (en délégation au CESR) – etienne.boillet at univ-poitiers.fr

-Soizic Escurignan, université de Poitiers, CESCM – soizic.escurignan at univ-poitiers.fr

-Sabrina Ferrara, université de Tours, CESR – sabrina.ferrara at univ-tours.fr

-Elisabetta Menetti, université de Modène – elisabetta.menetti at unimore.it On indiquera :

Langue(s) possible(s) : Langue de préférence :

Comité scientifique

Etienne Boillet, université de Poitiers Soizic Escurignan, université de Poitiers Luca Gatti, université de Pavie

Sabrina Ferrara, université de Tours

Francis Gingras, université de Montréal Elisabetta Menetti, université de Modène

Matteo Residori, université de Paris Sorbonne-Nouvelle.

Pistes de réflexion

Au Bas Moyen-Âge, la poésie doit faire face aux accusations de mensonge que lui ont adressées les Pères de l’Eglise, puis qu’ont relayées les poètes chrétiens de la fin de l’Antiquité ou du Haut Moyen-Âge (Deproost, 1998), et dont témoigne encore l’illustration emblématique du Jardin des Délices d’Herrade de Landsberg (Stella, 2011). Cependant, dans le même temps, les grands poètes classiques – Homère, Virgile, Ovide… – n’ont pas cessé d’être admirés et leur étude, par le biais de la grammaire et de la rhétorique, est restée au cœur de la culture des lettrés (Curtius [1948] ; Deproost, 1998). Se rattachant à cette tradition valorisant la poésie, Dante, Pétrarque et Boccace exaltent les grands écrivains de l’Antiquité tout en incarnant une gloire qui n’est plus réservée aux seuls auteurs antiques, tandis qu’apparaissent des éloges de la poésie (chez Dante, Pétrarque, Albertino da Mussato ou Boccace) reposant, d’une part, sur l’idée de figuration allégorique, et, d’autre part, sur l’image du poète saisi d’une inspiration divine – ainsi, au XVe siècle, le furor est-il exalté dans le néoplatonisme ficiniste (Garin, 1970 ; Mariani Zini, 2014). Mais ne constate-t-on pas un décalage entre cette poétique et le réalisme (ce qu’Auerbach subsume sous le nom de mimesis) d’œuvres comme les nouvelles de Boccace ou comme les fabliaux (Gingras, 2018) ? En outre, est-ce seulement la littérature (la « poésie »), ou bien aussi, plus spécifiquement, la fiction, qui se voit définie (Menetti, 2010) ?

En parallèle de cette légitimation d’une littérature en langue vernaculaire conquérant son autonomie à partir du XIVe siècle surtout, le champ de l’historiographie se définit aussi au contact des autres disciplines, comme le montre Bernard Guenée (1970), en nous invitant à rejeter la vision d’un Moyen-Âge dépourvu de « culture historique ». Sans constituer l’un des arts libéraux, l’histoire, comme la poésie, se fait une place à l’université par le biais de la transmission des auteurs antiques dans les cours de grammaire et de rhétorique. S’adaptant aux exigences morales du christianisme, auquel elle offre un répertoire d’exemples de vertus et de vices, la discipline historique dialogue avec la théologie dès les premiers siècles du Haut Moyen-Âge, par exemple chez Cassiodore au VIe siècle, sous la forme d’une histoire universelle trouvant ses origines dans la Bible et son prolongement dans la prophétie. Evoluant ainsi au contact de la théologie, du droit, de la science politique, l’histoire poursuit son chemin vers l’autonomie. Dans le sillage de Pétrarque, il s’affirme une historiographie humaniste qui entend aussi s’appuyer sur l’exemple antique pour mettre à l’honneur les contemporains : aux XIVe et XVe siècles, le récit de l’histoire récente est porté par la conscience de vivre un nouvel âge digne d’être célébré (Gilli, 2016).

Mais cette nouveauté consacre bien un modèle hérité des Anciens : l’historiographie humaniste, loin d’opérer une révolution épistémologique, est une histoire rhétorique qui se distingue des Annales et qui suit les préceptes de Quintilien et surtout de Cicéron (ou de la Rhétorique à Herennius ; Regoliosi, 1991). Outre sa fonction laudative répondant aux attentes des commanditaires, sa raison d’être est son utilité morale fondée sur les exemples des actions et des discours mémorables, en accord avec les valeurs chrétiennes. Ces éléments nouveaux (la conscience historique humaniste) et traditionnels (le modèle rhétorique d’une histoire opus oratorium et magistra vitae) sont déjà présents dans les écrits historiques de Pétrarque, notamment le De viris illustribus. Comme le remarque Patrick Gilli, dans le discours de son couronnement au Capitole, l’auteur se définit d’ailleurs comme historicus et poeta, ce qui illustre le rapprochement de deux disciplines partageant un rapport semblable à la rhétorique.

Jusqu’à quel point ce rapprochement entre histoire et poésie permet-il une véritable distinction ? Certes, Cicéron, comme plus tard Lucien de Samosate, fait de la vérité le critère distinctif de l’histoire. A l’orée de son dialogue De legibus, on lit ainsi que l’histoire et la poésie n’obéissent pas aux mêmes règles (Manzoni s’en souvient, citant ces mots en exergue de son essai sur le roman historique). Mais dans ce bref échange où l’histoire se définit par sa véridicité, en opposition à la poésie, il est également dit qu’Hérodote et Thucydide ont dit bien des faussetés… On se rappelle aussi qu’à l’inverse, bien des siècles auparavant, au début de la Théogonie, les Muses d’Hésiode disent qu’elles savent non seulement bien mentir mais aussi, parfois, dire la vérité.

Au Bas Moyen Âge, dans la période précédant l’humanisme, cette double appartenance de certains textes au registre poétique et historique est un phénomène que l’on observe dans divers romans versifiés, et notamment dans le groupe composé par le Roman de Thèbes, le Roman de Troie, le Roman d’Énéas et le Roman de Brut, écrits entre 1150 et 1170, dans un milieu lié à la cour d’Henri II Plantagenêt et d’Aliénor d’Aquitaine. Fondés sur des sources antiques considérées comme historiques, ces récits reconstruisent une généalogie mythique de l’Europe remontant à Œdipe ou aux héros de Troie, notamment à Brutus le Troyen, présenté comme ancêtre des rois d’Angleterre. Combinant tradition et invention, ils anticipent les futures épopées italiennes et françaises du XVIe s. (telle que l’inachevée Franciade de Ronsard), participant d’une forme de roman historique avant la lettre, où fiction, mémoire politique et légitimation dynastique s’entrelacent.

Dans la période où s’affirme l’humanisme, les lettrés héritent de l’idée antique que l’histoire ne dit pas simplement que le vrai, et la poésie que le faux, tandis que perdure cette incertitude sur le statut de certains récits. Par ailleurs, l’étude de l’ars historica humaniste se heurte à une limite : aucun des principaux modèles antiques n’est constitué par un traité organique, et les humanistes non plus n’en ont pas écrit (Regoliosi, 1991), aux XIVe et XVe siècles. On trouve cependant divers textes sur le sujet, tels que la lettre de Guarino de Vérone à son élève Tobia Del Borgo, où Mariangela Regoliosi voit l’influence du De historia conscribenda, traduction latine de l’essai Comment écrire l’histoire du Grec Lucien de Samosate, le seul livre antique entièrement consacré à la méthode de l’historien. La réception de ce texte constitue encore une piste d’étude à explorer. Plus tard, l’Actius de Giovanni Pontano (paru en 1507, quatre ans après la mort de l’auteur) contient des éléments de réflexion sur l’écriture de l’histoire, ou plutôt une véritable poétique du récit historiographique : s’appuyant sur Quintilien (« [Historia e]st enim proxima poetis, et quodam modo carmen solutum »), Pontano compare l’histoire à de la poésie en prose (Monti Saba, 1995 ; Deramaix, 2016). Ceux, parmi les lettrés du Quattrocento, qui tiennent le plus l’histoire en haute estime, soutiennent ainsi sa valeur littéraire, mais aussi sa supériorité gnoséologique, comme le fait Lorenzo Valla (Garin, 1970 ; Gilli, 2016).

Enfin, le XVIe est un siècle de rupture pour le sujet qui nous occupe. Du côté de l’histoire, dans le sillage des écrits historiques de Machiavel et de Guichardin (Fournel et Zancarini, 2012 ; Fournel, 2020), et peu après le Dialogo della historia (1542) de Sperone Speroni, le traité de Francesco Robortello (par ailleurs traducteur de la Poétique), De historica facultate (1548), inaugure une vogue des traités modernes en langue vernaculaire sur l’histoire, en Italie comme en France, aux XVIe et XVIIe siècles (Claire, 2015). Comment se reconfigure alors la place du traité de Lucien par rapport à Cicéron et aux autres sources du discours métahistorique ? Comment la réflexion sur l’historiographie se nourrit des récentes pratiques humanistes de l’histoire ? Et quel dialogue se noue avec les œuvres fictionnelles ?

Mais c’est en matière de poétique que se met en place un véritable changement de paradigme. On sait l’influence majeure qu’a exercée la Poétique d’Aristote sur la manière dont on pense que la fiction, a priori dépréciée par la condamnation platonicienne de la mimesis, est capable d’exprimer une certaine vérité (Schaeffer, 1999 ; Guastini, 2003). Le célèbre incipit du chapitre IX dispose même les éléments permettant de soutenir que la poésie expose une forme supérieure de vérité par rapport à l’histoire. Cependant, cette influence ne s’exerce vraiment qu’après la nouvelle traduction latine de Giorgio Valla 1498, et surtout après les nombreuses traductions et les commentaires qui, se succédant dans l’Italie du XVIe siècle (Duprat, 2007 ; Zanin, 2012), formeront le terreau propice aux réflexions de Torquato Tasso dans ses Discours (Graziani, 1997 ; Girardi, 2023). Comment s’articule la théorie aristotélicienne du poème épique comme représentation vraisemblable avec les éloges précédents de la poésie ? Jusqu’à quel point la supériorité de la vérité poétique, par rapport à la vérité de l’historien, est-elle revendiquée ? Et comment évolue le dialogue entre la théorie de l’histoire et cette nouvelle théorie de la fiction ?

Eléments bibliographiques

BRUNI Raoul (2010), Il divino entusiasmo dei poeti : storia di un topos, Torino, Aragno.

CLAIRE Lucie (2015) « De ratione scribendae historiae : modèles et contre-modèles antiques selon Famiano Strada », in Rhétorique, poétique et stylistique, in Danièle James-Raoul et Anne Bouscharain (dir.), Presses Universitaires de Bordeaux, 2015, p. 119-129.

CURTIUS Ernst Robert (2022 [1948]), Letteratura europea e Medio Evo latino, a cura di Roberto Antonelli, trad. di Anna Luttazzo e Mercurio Candela, Macerata, Quodlibet (édition française : La littérature européenne et le Moyen Age latin, traduit par Jean Bréjoux, préface de Alain Michel, Paris, Presses universitaires de France, 1991).

DEPROOST Paul-Augustin (1998), Ficta et facta. La condamnation du ‘mensonge des poètes’ dans la poésie latine chrétienne, in « Revue d’Etudes Augustiniennes Et Patristiques », vol. 44, n° 1, p. 101-122.

DERAMAIX Marc, « L’unité de la langue latine d’art : la nature poétique de la prose historique dans l’Actius de Pontano », conférence filmée au colloque Consulendae sunt aures. Rhétorique et langue latine d’art à la Renaissance : Pontano, Sannazar et l’académie napolitaine, université de Rouen, 2016, URL : https://webtv.univ-rouen.fr/videos/07-04-16- 084402consulendae-sunt-aures-rhetorique-et-langue-latine-dart-a-la-renaissance-pontano-sannazard-et-lacademie-napolitaine-partie-3/.

DUPRAT Anne (2009), Vraisemblances : Poétiques et théorie de la fiction, du Cinquecento à Jean Chapelain, 1500-1670, Honoré Champion.

FOURNEL Jean-Louis (2020), L’écriture de la catastrophe dans l’Italie en guerre (1494-1559)

: une histoire européenne, « Cahiers de recherches médiévales et humanistes », 2020, n° 38 (2019-2), p. 23-45. URL: https://classiques-garnier.com/cahiers-de-recherches-medievales-et- humanistes-journal-of-medieval-and-humanistic-studies-2019-2-n-38-varia-l-ecriture-de-la- catastrophe-dans-l-italie-en-guerre-1494-1559.html.

FOURNEL Jean-Louis et ZANCARINI Jean-Claude (2012), « Come scrivere la storia delle guerre d’Italia ? », in Claudia Berra, Anna Maria Cabrini (dir.), La Storia d’Italia di Guicciardini e la sua fortuna, Milano, Cisalpino, p.181-219. URL: https://shs.hal.science/halshs-00745788.

GUENÉE Bernard (1980), Histoire et culture historique dans l’Occident médiéval, Paris, Aubier- Montaigne.

FUBINI Riccardo (2007) L’Umanesimo italiano. Problemi e studi di ieri e di oggi, in « Studi Francesi », n° 153, p. 504-525.

GARIN, Eugenio, L’umanesimo italiano : filosofia e vita civile nel Rinascimento, Roma, Laterza, 1970.

GILLI Patrick (2016), La méthodologie historiographique des humanistes italiens du XVe siècle, in « Cahiers de recherches médiévales et humanistes », n° 31, URL : http://journals.openedition.org/crmh/14039.

GINGRAS Francis (2018), Fabuler et dire vrai : les réalismes et l’histoire des genres narratifs au Moyen Âge, in « Cahiers ReMix », n° 7 : Repenser le réalisme, Claudia Bouliane et Bernabé Wesley (dir.), URL : https://oic.uqam.ca/publications/article/fabuler-et-dire-vrai-les-realismes- et-lhistoire-des-genres-narratifs-au-moyen-age.

GIRARDI, Maria Teresa (2023). « Tasso teorico : i due tempi dei “Discorsi” », In Tasso, a cura di Emilio Russo e Franco Tomasi, Roma, Carocci, p. 99-121.

GUASTINI Daniele (2003), Prima dell’estetica : poetica e filosofia nell’antichità, Roma/Bari, Laterza.

GRAZIANI Françoise (1997), « Introduction » à Le Tasse, Discours de l’art poétique ; Discours du poème héroïque, traduit et commenté par EAD., Paris, Aubier, p. 9-50.

MARIANI ZINI Fosca, La pensée de Ficin : Itinéraires néoplatoniciens, Paris, Vrin, 2014.

MONTI SABA Liliana, Pontano e la storia. Dal De bello Napoletano all’Actius, Roma, Bulzoni, 1995.

REGOLIOSI     Mariangela     (1991),     Riflessioni     umanistiche     sullo     scrivere    storia,     in « Rinascimento », n° 31, p. 3-37.

STELLA Francesco (2010), « Théologie de la poésie entre Scolastique et Humanisme », in Poetry, Bible and Theology from Late Antiquity to the Middle Ages, p. 473-494 (et maintenant : https://www.researchgate.net/publication/355356795_Theologie_de_la_poesie_entre_Scolasti que_et_Humanisme_Le_statut_de_la_poesie_biblique).

SCHAEFFER Jean-Marie (1999), Pourquoi la fiction ?, Paris, Seuil.

ZANIN Enrica (2012), Les commentaires modernes de la Poétique d’Aristote, in « Études littéraires », n° 43(2), p. 55–83, URL : https://doi.org/10.7202/1014725ar.

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Colloque CESR 2026 Poesis

Virginie Leroux et Émilie Séris (dir.), Théories poétiques néo-latines, Genève, Droz (Texte courant, 6), 2018. (Danièle James-Raoul)

Virginie Leroux et Émilie Séris (dir.), Théories poétiques néo-latines, Genève, Droz (Texte courant, 6), 2018, 1166 p.

On ne peut que se réjouir de la parution de ce beau gros volume tant attendu qui s’inscrit dans le renouveau global des études sur la théorie littéraire ayant marqué les dernières décennies. L’ouvrage dirigé par V. Leroux et É. Séris, auquel ont participé L. Boulègue, A. Bouscharain, S. Conte, L. Hermand-Schébat, Laigneau Fontaine, A.-P. Pouey-Mounou, complète avantageusement des éditions de traités et des études de poétique récentes, notamment proposées par P. Galand-Hallyn et F. Hallyn (dir.), Poétiques de la Renaissance : le modèle italien, le monde franco-bourguignon et leur héritage en France au XVIe siècle, 2001 ; Fr. Goyet (éd.), Traités de poétique et de rhétorique de la Renaissance, 2001 ; J.-Ch. Monferran (dir.), La muse et le compas : poétiques à l’aube de l’âge moderne, 2015).

Il offre une vision synthétique des textes théoriques latins essentiels qui, rédigés depuis le Trecento jusqu’à la fin du XVIe siècle, dans une grande partie de l’Europe (en France, en Italie, en Allemagne et dans les Flandres), ont nourri la poétique de la Renaissance. Outre les arts poétiques néo-latins publiés au XVIe siècle dont des extraits sont donnés (étant donné leur ampleur, il était impensable de les publier intégralement), ont été prises en compte des théories présentes ici et là, parfois éparpillées, parfois regroupées, tous textes emblématiques édités, traduits et présentés.

Le plan en cinq chapitres rend compte des thématiques les plus fréquemment abordées dans les traités. Le premier est consacré à la légitimation de la poésie à laquelle s’attachent principalement les premiers textes théoriques et qui demeure un passage obligé des traités ultérieurs, même quand son importance aura décru, à partir des années 1550 ; cette légitimation est fondamentale dans l’élaboration de la théorie poétique. Le second chapitre traite de l’inspiration : souvent mentionnée à propos de la défense des poètes (leurs dons sont-ils d’essence divine ou sont-ils innés ?), elle a gagné une place autonome et une ampleur particulière en raison de la diffusion du néo-platonisme, de l’astrologie et de la théorie médicale des humeurs. La question de l’imitation, orientée doublement par l’intertextualité et l’écriture de la fiction, occupe le troisième chapitre : il s’agit, d’une part, de déterminer quels modèles antiques imiter et comment les imiter et, d’autre part, de réfléchir à la représentation du réel, à cette mimèsis dont la place s’accroît à mesure que se multiplient les commentaires sur la Poétique d’Aristote. Le quatrième chapitre porte sur les genres poétiques : bien que les questions du mètre et du style soient parfois envisagées séparément, comme chez Scaliger, elles sont le plus souvent liées à celle du genre. Le cinquième et dernier chapitre est consacré aux relations qu’entretient la poésie avec les autres arts : non seulement les théoriciens humanistes élaborent des classifications du savoir au sein desquels il importe de situer la poésie, mais la théorie poétique emprunte en outre copieusement aux théories qui modèlent les autres arts. L’étude de la poétique s’ouvre ainsi sur la perspective plus large des arts libéraux.

L’ouvrage s’achève sur une bibliographie très copieuse (68 p.), quoique limitée aux textes humanistes et aux études critiques portant sur la période de la Renaissance, un Index nominum, un Index des notions très précis (aussi bien des motifs que des termes techniques), qui permettent de circuler aisément dans le volume.

Nul doute que ce bel ouvrage devienne un outil de référence fondamental !

Danièle James-Raoul

Cette recension a été publiée dans le Bulletin de liaison n°16 (2018) de la SEMEN-L (p. 44-45).

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Les humanistes ont joué un rôle essentiel dans l’élaboration de la critique littéraire et la constitution de la poétique comme discipline distincte de la grammaire et de la rhétorique. Ils ont conditionné la réception des traités antiques, en particulier la Poétique d’Aristote et l’Art poétique d’Horace, et ont problématisé des concepts appelés à une grande fortune, comme la mimèsis, la catharsis, le decorum ou l’ut pictura poesis. Ils ont apporté des éléments théoriques originaux, élaboré des taxinomies génériques complexes et repensé les systèmes de classification des arts. Cette anthologie offre une vision synthétique des textes théoriques latins en Europe, du Trecento au XVIe siècle. Elle présente les principaux penseurs et leur art poétique, analyse les notions clefs et propose un choix de textes emblématiques, édités, traduits et contextualisés. Un bel outil de travail pour penser l’utilité de la poésie, la création, l’histoire littéraire et les normes esthétiques.

Cette seconde recension a été publiée dans le Bulletin de liaison n°16 (2018) de la SEMEN-L (p. 46).

IIIe congrès de la SEMEN-L (Bordeaux, 11-13 octobre 2012) : appel à communication

La Société d’Études Médio- et Néo-Latines (SEMEN-L) organise les jeudi 11, vendredi 12 et samedi 13 octobre 2012, à l’université Michel de Montaigne Bordeaux 3, son sixième Congrès sur le thème : « Rhétorique, stylistique et poétique : entre théorie et pratique ».

 

Notre réflexion pourrait s’articuler, entre autres, autour des domaines suivants.

• La réception de la rhétorique antique

Du Moyen Âge au XVIe siècle, l’héritage de la rhétorique antique, d’abord essentiellement latin, cicéronien et horatien, mais tributaire d’une évidente dette envers la culture grecque, connaît une importante transformation avec la redécouverte progressive des rhétoriciens antiques, d’Aristote aux rhéteurs de la période impériale. Or, il paraît important d’analyser l’héritage, les mutations et le devenir de la rhétorique antique, afin de mettre en évidence les différents points théoriques dont la compréhension est pour nous problématique et dont nous ne percevons parfois pas l’intérêt. La tradition rhétorique est-elle en l’occurrence un boulet qu’il faut traîner ou un ferment dynamique ?

• Les artes

Entre la fin des XIe et XIVe siècles, apparaissent en Europe des traités spécialisés qui s’intéressent à l’enseignement de la grammatica et ont pour objet l’art d’écrire : les artes dictandi qui s’attachent à l’art d’écrire en prose (des lettres, mais aussi tout document juridique ou administratif) ou de composer un discours ; les artes poeticae, qui concernent la composition d’ouvrages fictionnels, versifiés ou non ; les artes praedicandi enfin, qui étudient l’art d’écrire et de prononcer un sermon, et dont le contenu évolue considérablement avec le temps. La longévité exceptionnelle de certains de ces traités médiévaux, jusqu’au XVIe siècle, attire l’attention : il s’agira de mettre à jour leur intérêt, autant que leur originalité intrinsèques.

• Études de cas : l’art et la manière

La rhétorique, au sens le plus large, est une ressource et un courant qui alimente nécessairement l’écriture poétique, que celle-ci soit ou non fictionnelle : elle influence la formation des écrivains, qu’ils se déterminent par rapport à cet héritage ou en opposition avec lui. Des études textuelles précises seront ainsi les bienvenues, afin de mettre en lumière des applications concrètes de la théorie rhétorique.

 

Chaque communication durera entre 20 et 25 minutes. La publication d’un ouvrage sera faite à partir de ces communications dans la revue Eidôlon (Presses universitaires de Bordeaux). Les chercheurs intéressés sont invités à proposer avant le 15 avril 2012 un titre et une douzaine de lignes de présentation (environ 1000 caractères) à Anne Bouscharain ou à Danièle James-Raoul :

Contacts :

Anne Bouscharain anne.bouscharain@gmail.com

Danièle James-Raoul daniele.james-raoul@wanadoo.fr

Colloques 2011-2012

– 27-28 octobre 2011, Université catholique de Louvain-la-Neuve, « Les Arts poétiques aux XVIe et XVIIe siècles ». Colloque organisé par Grégory Ems et Mathieu Minet.

– 3-4 novembre 2011, Université de Paris 3, « George Buchanan : textes et traductions ». Journée d’études organisée par Armel Dubois-Nayt et Karine Ferradou.

– 12 novembre 2011, à 14h30, Maison de la Recherche de Paris 3 (4, rue des Irlandais, Paris, 5e), Conférence de Max Engammare : Être à l’heure à Genève et à Rome au XVIe siècle.

– 24-25 novembre 2011, Université de Caen Basse-Normandie, Autour de l’hortus sanitatis : médecine et sciences naturelles au début du livre imprimé, org. Brigitte Gauvin et Catherine Jacquemard. Renseignements et contacts : brigitte.gauvin@unicaen.fr et catherine.jacquemart@unicaen.fr

– 1-2 décembre 2011, Tours, CESR, Salle du Conseil Municipal – Hôtel de Ville, 41200 Romorantin-Lanthenay, Colloque Louise de Savoie (1476 – 1531). Renseignements : pascal.brioist@free.fr ; laure.fagnart@ulg.ac.be ; cedric.michon@wanadoo.fr

– 8-10 décembre 2011, Université Paris-Sorbonne (Paris IV), « La Douceur dans la pensée moderne », XXXIIIe colloque de la S.I.R.I.R. Contact : florence.malhomme@paris-sorbonne.fr

– 12-14 décembre 2011, Université Paris-Sorbonne (Paris IV), « Pratiques latines de la dédicace : permanences et mutations, de l’Antiquité à la Renaissance ». Contact : jeanclaude.julhe@wanadoo.fr

– 15-17 mars 2012, Dijon, Colloque international «L’image de la ‘petite patrie » provinciale chez les écrivains de la Renaissance », organisée par Sylvie Laigneau-Fontaine. Contact : sylvie.laigneau-fontaine@sfr.fr

– 22-24 mars 2012, Washington D.C., Meeting annuel de la Renaissance society of America.

– 10-12 mai 2012, Colloque international : Tours 1500. Art et société à Tours au début de la Renaissance. Comité d’organisation : Florence Alazard, Pascal Brioist, Marion Boudon-MAchuel, Pascale Charron, David Fiala, David Rivaud, Alain Salamagne. Contact : marion.boudon-machuel@inha.fr et/ou pascale.charron@univ-tours.fr

– 12-13 mai 2012 – Craiova, Roumanie. La réception de l’Antiquité gréco-latine dans les cultures européennes. Sous le signe d’Hermès. Renseignements : studiiclasice.craiova@yahoo.com

– 5-10 août 2012, Münster, 15e Congrès de l’IANLS. Contact : pade@hum.ku.dk

– 5-6 octobre 2012, Université de Montpellier 3, « L’écriture épique et ses modèles » [de l’épopée classique à la Renaissance]. Colloque organisé par Jean Meyers et Aline Estèves.