Munk Olsen Birk, L’Étude des auteurs classiques latins aux XIe et XIIe siècles. Tome V : Études et découvertes de 1987 à 2017, Paris, CNRS Éditions, 2020 (Jean-Yves Tilliette)

Munk Olsen Birk, L’Étude des auteurs classiques latins aux XIe et XIIe siècles. Tome V : Études et découvertes de 1987 à 2017, Paris, CNRS Éditions, 2020.

Tous les médio-latinistes connaissent et pratiquent l’instrument de travail essentiel qu’est L’Étude des auteurs classiques latins aux XIe et XIIe siècles en 4 tomes et 6 volumes in-4° patiemment élaboré par le grand philologue Birger Munk Olsen entre 1982 et 2014. Rappelons que les tomes I à III enregistrent et décrivent les manuscrits des œuvres de quelque cinquante-trois écrivains latins de l’Antiquité copiés avant 1200, soit près de 4500 témoins, tous examinés par l’auteur sur le lieu actuel de leur conservation, tandis que les deux volumes constituant le tome IV extrapolent de cet examen des livres considérés dans leur matérialité codicologique une synthèse puissante sur la façon dont les classiques étaient reçus – c’est-à-dire copiés, diffusés, conservés, enseignés, commentés – par leurs lecteurs médiévaux, établissant par conséquent comment et pourquoi ils leur servaient de sources d’inspiration. On pouvait croire le sujet épuisé. Or Munk Olsen offre aujourd’hui au public, en forme d’addendum, un complément de près de 600 pages ! Ce n’est certes pas que le savant danois ait été négligent, mais bien au contraire que son travail a, depuis trente ans, inspiré et stimulé la recherche. Ainsi, non content d’enregistrer les études consacrées lors des dernières décennies aux manuscrits qu’il avait précédemment repérés et inventoriés, il en enrichit le catalogue de quelque 250 items, pour la plupart des fragments (p. 27-343). Mais le volume vaut sans doute d’abord et surtout par la présentation d’une formidable moisson de catalogues et d’inventaires de bibliothèques médiévales mis au jour au fil des dernières décennies, qui ont vu se développer cette science jeune encore qu’est l’histoire des bibliothèques (p. 369-499). Il est à peine utile de souligner l’apport considérable à la recherche que fournissent de telles informations : savoir où se trouvait tel texte et à quelle date, qui il a intéressé, quels réseaux le faisaient circuler en un temps où l’écrit était bien moins accessible qu’aujourd’hui aide puissamment à comprendre la variété des formes qu’a prises, au gré des siècles, la culture littéraire médiévale. Dans l’attente (qui sait ?) d’un tome VI, que pourrait inspirer le beau développement des études dans le domaine considéré, le volume qui paraît aujourd’hui n’est pas moins indispensable aux chercheurs que ses prédécesseurs.

Auteur : Jean-Yves Tilliette

Cette recension a été publiée dans le Bulletin de liaison n°19 (2021) de la SEMEN-L (p. 77-78).

Boulègue, L., Perrin, M., Veyrard-Cosme, Chr., Ascèse et ascétisme de l’Antiquité tardive à la Renaissance. Traditions et remises en causes, Paris, Classiques Garnier, 2021 (Jordi Pià-Comella)

Boulègue, L., Perrin, M., Veyrard-Cosme, Chr., Ascèse et ascétisme de l’Antiquité tardive à la Renaissance. Traditions et remises en causes, Paris, Classiques Garnier, 2021, 412 pages.

Les notions d’ascèse et d’ascétisme suscitent un regain d’intérêt, depuis notamment en France les célèbres études de P. Hadot, Exercices spirituels, et de M. Foucault, L’herméneutique du sujet. Les travaux rassemblés par L. Boulègue, Ch. Cosme et M. Perrin comblent une lacune majeure : ils offrent la première synthèse des théories et pratiques de l’ascèse de l’Antiquité tardive à la Renaissance jusqu’à la Contre-Réforme.

La tension, bien contextualisée dans l’introduction de l’ouvrage, entre le caractère mouvant des notions d’ascèse et d’ascétisme au cours du temps, et leur unité – on retrouve d’une époque à l’autre des motifs communs – a conduit logiquement les auteurs à opter pour une étude thématique en trois temps : d’abord, les théories et pratiques de l’ascèse ; ensuite, les écritures de l’ascèse ; enfin les figures de l’ascèse. Suivent une très riche bibliographie, deux indices des auteurs/ artistes et biblique, les résumés, ainsi qu’une table des figures. Les mérites de l’ouvrage sont multiples. D’abord, le livre apporte une profondeur diachronique inédite aux notions d’ascèse et d’ascétisme. On saisit beaucoup mieux, par exemple, tout ce que la poésie amoureuse et érotique d’un Pétrarque et d’un Ronsard doit au topos hiéronymien de l’ascète solitaire. Ensuite, le livre aborde le problème en couvrant un champ considérable de disciplines : de la littérature tardo-antique à la poésie médicale du XVe siècle, en passant par la patristique, la littérature mérovingienne, l’épistolaire érasmien, la philosophie humaniste, l’hermétisme ou l’architecture flamboyante d’un Jean de Felin. Le pari pluridisciplinaire est réussi : il nous permet, par exemple, de comprendre que la figuration de l’ascèse ne s’incarne pas simplement dans des personnes mais qu’elle peut aussi s’exprimer dans l’art monumental du XVIe siècle. Or, loin de sombrer dans la dispersion, Ascèse et ascétisme présente une cohérence forte : le choix des thèmes traités fait ressortir les permanences de certains motifs tout en en épousant les variations au fil du temps, d’un genre à l’autre, selon les sensibilités religieuses, idéologiques et esthétiques de chacun. Qu’il s’agisse de l’aspiration à la transcendance, qui passe souvent par le rejet de toutes les tentations terrestres, de l’opposition entre repli sur soi et ouverture aux autres, du choix entre une ligne dure de l’ascèse et une ligne modérée, ou bien de l’opposition entre simplicitas et exhibition. Tous ces motifs parcourent l’ensemble des articles, donnant une unité puissante, jamais rigide, au tout. Dans sa très belle préface au livre, M. Aurell résume l’esprit qui anime d’un bout à l’autre Ascèse et ascétisme : « L’ascèse prend ainsi de nouveaux visages. Quoi qu’il en soit de ses mutations, elle préside, aujourd’hui comme hier, au travail intellectuel de qualité, mais plus encore au dépassement personnel en quête d’un idéal supérieur ».

Jordi Pià-Comella Sorbonne-Nouvelle (CERAM ED 173) IUF

Cette recension a été publiée dans le Bulletin de liaison n°19 (2021) de la SEMEN-L (p. 76-77).

Giacomotto-Charra Violaine, Marrache-Gouraud Myriam (dir.) : La Science prise aux mots. Enquête sur le lexique scientifique de la Renaissance, Paris, Classiques Garnier, collection Rencontres, n°499, Série Colloques, congrès et conférences sur la renaissance européenne, 2021

Giacomotto-Charra Violaine, Marrache-Gouraud Myriam (dir.) : La Science prise aux mots. Enquête sur le lexique scientifique de la Renaissance, Paris, Classiques Garnier, collection Rencontres, n°499, Série Colloques, congrès et conférences sur la renaissance européenne, 2021, 460 p.

Interroger le lexique scientifique par ses termes les plus usuels comme curiosité, observation ou expérience, tant en médecine, zoologie que géographie, permet d’ouvrir une réflexion de fond sur la conception des savoirs à la Renaissance, en prenant au mot la science telle qu’elle s’écrit.

Cette recension a été publiée dans le Bulletin de liaison n°19 (2021) de la SEMEN-L (p. 76).

Rotshschild Jean-Pierre et Heid Caroline, La Bibliothèque de l’abbaye de Clairvaux du XIIe au XVIIIe siècle, T. II Manuscrits conservés, 3e partie : Cotes O, P, Q, Paris, CNRS Editions, coll. « Documents, Etudes et répertoires de l’IRHT », 2021

Rotshschild Jean-Pierre et Heid Caroline, La Bibliothèque de l’abbaye de Clairvaux du XIIe au XVIIIe siècle, T. II Manuscrits conservés, 3e partie : Cotes O, P, Q, Paris, CNRS Editions, coll. « Documents, Etudes et répertoires de l’IRHT », 2021. (145 manuscrits de sermons et instruments pour la prédication)

La bibliothèque de l’abbaye de Clairvaux fut un centre de première importance de la vie spirituelle et intellectuelle en France et en Europe au Moyen Âge. A. Vernet en a édité les anciens catalogues en 1979, et ses collaborateurs de l’IRHT, J.-P. Bouhot et le regretté J.-Fr. Genest, ont publié en 1997 les notices descriptives des manuscrits bibliques, patristiques et théologiques, soit un peu plus de la moitié des mille et quelques manuscrits subsistants du catalogue de 1472. Le travail a été repris dans la section latine de l’IRHT il y a quelques années. Les 500 manuscrits restant à décrire seront répartis dans quatre volumes qui couvriront, selon l’ordre des cotes du catalogue de 1472, des manuscrits de sermons (volume en préparation), d’autres recueils de sermons, des instruments pour la pastorale et des textes de théologie scolaire, de dévotion, d’histoire sainte, d’histoire profane et d’hagiographie (ce volume II, 3), le droit, les sciences et les lettres (en préparation), la liturgie (en préparation). Ce volume-ci décrit donc 142 manuscrits de contenu très varié ; les recueils de pièces multiples sont nombreux : florilèges, sermonnaires, collections hagiographiques. Cette entreprise a été l’occasion d’un nombre élevé de découvertes de copies inconnues de divers textes. Mais le projet vise aussi à comprendre le fonds en tant qu’ensemble, en distinguant les manuscrits produits dans le scriptorium de Clairvaux, ceux acquis à Paris particulièrement au moment où l’abbaye envoie ses moines les plus prometteurs au collège Saint-Bernard, ou encore ceux faisant l’objet de dons ; il analyse aussi l’organisation de la bibliothèque de Clairvaux du XIIe au XVIIIe siècle, à travers les strates de classification, et en accordant une attention minutieuse à la prosopographie des moines et donateurs.

Cette recension a été publiée dans le Bulletin de liaison n°19 (2021) de la SEMEN-L (p. 75-76).

Pomel Fabienne et Van de Meeren Sophie (dir.), Philosophie et fiction de l’Antiquité tardive à la Renaissance, Leuven, Peeters publishers, Collection Synthema, n°12, 2021

Pomel Fabienne et Van de Meeren Sophie (dir.), Philosophie et fiction de l’Antiquité tardive à la Renaissance, Leuven, Peeters publishers, Collection Synthema, n°12, 2021, 358p.

Quels étaient les représentations et enjeux de la philosophie et de la fiction, leurs échanges, interactions et zones frontières de l’Antiquité tardive jusqu’à la Renaissance ? La fiction peut apparaître comme l’envers de la vérité. Elle n’en est pas moins une forme de recherche de vérité, savoir ou sagesse : Augustin, Macrobe, Martianus Capella ou Boèce, puis les poèmes allégoriques latins du XIIe siècle, les encyclopédies du XIIIe siècle, suivies par des œuvres allégoriques écrites dans le milieu de la cour de Charles V et Charles VI ou encore par Ficin problématisent le statut de la fiction : quelle est sa légitimation philosophique ? Quels sont les rapports entre philosophie et arts libéraux, philosophie et poétique, philosophie et théologie ? Les contributions interrogent le lexique et l’arrière-plan philosophique. Elles examinent aussi les moyens de la fiction pour mettre en œuvre un projet herméneutique et heuristique fécond : la personnification, la prosopopée, les modèles narratifs (banquet ou voie) ou le cadre dialogique.

Cette recension a été publiée dans le Bulletin de liaison n°19 (2021) de la SEMEN-L (p. 74-75).

Revest Clémence, Romam veni. Humanisme et papauté à la fin du Grand Schisme, Ceyzérieu, Champ Vallon, 2021

Revest Clémence, Romam veni. Humanisme et papauté à la fin du Grand Schisme, Ceyzérieu, Champ Vallon, 2021, 424p.

Cet ouvrage met en pleine lumière un moment décisif mais relativement méconnu de la naissance du mouvement humaniste dans l’Italie du début du Quattrocento : ce n’est pas à Florence, mais à la cour des papes revenue à Rome que s’épanouit et s’affirme une nouvelle génération d’intellectuels, au sein d’un milieu cosmopolite, travaillant dans l’administration pontificale et au service des élites ecclésiastiques. Et c’est dans un contexte de crise profonde, le Grand Schisme d’Occident, que la papauté s’ouvre à l’idéal d’une Renaissance. Au fil d’une enquête croisant sources d’archives et œuvres littéraires, l’histoire de ce tournant est retracée, de l’afflux de jeunes lettrés en quête de fortune dans une institution divisée, aux débuts d’une révolution rhétorique et idéologique.

Cette recension a été publiée dans le Bulletin de liaison n°19 (2021) de la SEMEN-L (p. 74).

George Buchanan, Tragédies sacrées humanistes. Tome I : Baptistes siue Calumnia et Iephthes siue Votum, édition, traduction et commentaire de Carine Ferradou, Paris, Classiques Garnier, collection Bibliothèque du théâtre français, 2021

George Buchanan, Tragédies sacrées humanistes. Tome I : Baptistes siue Calumnia et Iephthes siue Votum, édition, traduction et commentaire de Carine Ferradou, Paris, Classiques Garnier, collection Bibliothèque du théâtre français, 2021, 422p.

Après une introduction replaçant le théâtre sacré de George Buchanan dans le contexte culturel du XVIe siècle, et la présentation de chaque tragédie, le texte latin de Baptistes siue Calumnia et Iephthes siue Votum est accompagné d’une traduction en français moderne, d’apparats, d’une bibliographie et d’index.

Cette recension a été publiée dans le Bulletin de liaison n°19 (2021) de la SEMEN-L (p. 74).

Bénévent, Christine, Menini Romain et Sanchi Luigi-Alberto (dir.), Les noces de Philologie et de Guillaume Budé. Un humaniste et son œuvre à la Renaissance, Paris, Ecole des Chartes, 2021

Bénévent, Christine, Menini Romain et Sanchi Luigi-Alberto (dir.), Les noces de Philologie et de Guillaume Budé. Un humaniste et son œuvre à la Renaissance, Paris, Ecole des Chartes, 2021, 592 p.

Au cours de son existence bien remplie, Guillaume Budé (1468- 1540) a conçu, publié, augmenté nombre d’œuvres dont la valeur littéraire et la portée scientifique ont profondément marqué son époque et la postérité, à l’égal de son contemporain Érasme. Or les productions de Budé restent aujourd’hui relativement méconnues, malgré un regain d’intérêt depuis le siècle dernier. Le présent volume a pour ambition de revenir, à la lumière des recherches les plus récentes, sur les différentes facettes d’une œuvre polycentrique, allant de l’essai historique novateur qu’est le De Asse et partibus ejus à la défense et illustration du grec, de l’exégèse des sources du droit romain aux recommandations politiques de l’Institution du prince, en passant par des considérations morales et religieuses disséminées dans les lettres, des digressions et des traités. À la convergence de plusieurs disciplines, il se propose d’identifier les parcours que Guillaume Budé a tracés, de cerner les passerelles entre les différents noyaux de son écriture, de reconstituer l’unité intellectuelle de son œuvre, à une époque où la diffusion du patrimoine écrit de l’Antiquité achevait sa première grande saison et ouvrait l’époque des études philologiques spécialisées.

Cette recension a été publiée dans le Bulletin de liaison n°19 (2021) de la SEMEN-L (p. 73).

Bonnier Xavier, Laigneau-Fontaine Sylvie (dir.), L’Imperfection littéraire et artistique en Europe, Antiquité-XXIe siècle, Paris, Garnier, collection Rencontres n°526, Série Rhétorique, stylistique, sémiotique, no 9, dirigée par Delphine Denis et Anna Jaubert, 2021

Bonnier Xavier, Laigneau-Fontaine Sylvie (dir.), L’Imperfection littéraire et artistique en Europe, Antiquité-XXIe siècle, Paris, Garnier, collection Rencontres n°526, Série Rhétorique, stylistique, sémiotique, no 9, dirigée par Delphine Denis et Anna Jaubert, 2021, 767 p.

Cet ouvrage interroge la notion d’imperfection à travers les siècles (de l’Antiquité à l’époque contemporaine) et dans les domaines les plus variés de la production littéraire et artistique. Les communications montrent l’intérêt heuristique de ce concept dans l’analyse de toute œuvre d’art.

Cette recension a été publiée dans le Bulletin de liaison n°19 (2021) de la SEMEN-L (p. 73).

Séris Emilie et Viti Paolo (dir.), Politien, humaniste aux sources de la modernité, Paris, Garnier, collection Rencontres n° 519, Série Lectures de la Renaissance latine, no 15, 2021

Séris Emilie et Viti Paolo (dir.), Politien, humaniste aux sources de la modernité, Paris, Garnier, collection Rencontres n° 519, Série Lectures de la Renaissance latine, no 15, 2021, 337 p.

Ange Politien a laissé une poésie raffinée, des travaux philologiques érudits, des commentaires philosophiques subtils et une riche correspondance. Des chercheurs italiens et français contribuent à mettre en lumière l’originalité d’une œuvre qui portait bien des germes de l’humanisme européen.

Cette recension a été publiée dans le Bulletin de liaison n°19 (2021) de la SEMEN-L (p. 72).